[Victor Hugoal – Épisode 3] La biographie d’un footballeur immortel

L’Euro, le championnat d’Europe des Nations de football, a débuté ce 11 juin et la participation de l’équipe belge  suscite une incroyable effervescence dans tout le pays.
Y aura-t-il comme on le pense souvent une partition des publics rivant d’un côté les mâles alpha devant leur écran et laissant aux autres les cinémas heureusement rouverts et les livres jamais fermés ?
La nuance s’impose. Bernard Pivot, ce chantre de la littérature, n’est-il pas un supporter acharné du PSG ?
A l’heure où malgré ses dérives financières le football-business rejoint parfois certaines de nos valeurs notamment avec les campagnes « Respect » et le genou posé en terre de « Black live matter », Notre Média vous proposera de découvrir pendant la durée de la compétition une série de livres emblématiques dont le football constitue le fil conducteur. Une manière de jouer le jeu!

Ce pourrait n’être qu’une biographie parmi d’autres. Si ce n’est que celle-ci a du style, du chien et qu’elle nous fait vivre à la manière d’un thriller l’épopée tragique d’un… footballeur.

Viennois, membre inconditionnel de la Wunderteam, cette équipe d’Autriche qui domina le football européen des années 30, Matthias Sindelar était un joueur d’une rare élégance, doté d’une vision révolutionnaire du jeu pour cette époque adepte du kick and rush britannique. Sindelar, qu’on surnommait le Mozart du football, était sans doute le meilleur joueur de foot au monde en cette époque troublée de l’avant-guerre.

Mais Sindelar était bien plus qu’un simple footeux, il représentait sur le terrain l’âme libertaire d’une Vienne qui passait lentement de l’éblouissement artistique de la Sécession aux pages sombres de l’Anschluss.

Il fréquentait l’opéra, les cafés littéraires, partageait la table de l’architecte Jozef Hoffmann ou du cinéaste Fritz Lang, et tout cela sans jamais renier ses origines prolétaires et le petit appartement qu’il partageait avec sa mère et ses sœurs. Sindelar constitue à la fois une figure hiératique improbable, un génie rebelle et la star absolue élue en 1999 sportif autrichien du XXème siècle.

Les circonstances troubles de sa mort en 1939, suicide annoncé ou plutôt assassinat prémédité par la Gestapo, ajoutent une aura de mystère à cette vie d’étoile filante, à celui-là qui osa défier la puissance du Reich en marquant en 1938 le but de la victoire de l’Autriche sur l’Allemagne lors du pseudo-match de la réconciliation organisé à Berlin après l’invasion allemande, bravant ainsi les consignes données par les SS dans le vestiaire : « Interdiction de marquer ».

En allant ce jour-là saluer du poing la tribune officielle, Sindelar signait sans doute son arrêt de mort, la fin d’un roman d’aventures d’une époustouflante dignité, le Mozart du football disparaissant comme lui à 36 ans.

Depuis, chaque année, le 23 janvier, une foule émue se presse toujours sur sa tombe.

Yves Vasseur

L’homme qui n’est jamais mort

Olivier Margot

JC Lattes Editions, Paris 2020.

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