[Victor Hugoal – Épisode 2] Bill Shankly, You’ll Never Walk Alone

L’Euro, le championnat d’Europe des Nations de football, a débuté ce 11 juin et la participation de l’équipe belge  suscite une incroyable effervescence dans tout le pays.
Y aura-t-il comme on le pense souvent une partition des publics rivant d’un côté les mâles alpha devant leur écran et laissant aux autres les cinémas heureusement rouverts et les livres jamais fermés ?
La nuance s’impose. Bernard Pivot, ce chantre de la littérature, n’est-il pas un supporter acharné du PSG ?
A l’heure où malgré ses dérives financières le football-business rejoint parfois certaines de nos valeurs notamment avec les campagnes « Respect » et le genou posé en terre de « Black live matter », notre Média vous proposera de découvrir pendant la durée de la compétition une série de livres emblématiques dont le football constitue le fil conducteur. Une manière de jouer le jeu!

Le livre dont je vais vous parler n’est pas un roman. Ce n’est pas un essai, ce n’est pas non plus un poème.

C’est plutôt d’une odyssée qu’il s’agit, d’une ode aux utopies, d’un chant lyrique venu d’un temps où le football était encore un jeu qui se déroulait inexorablement en Angleterre le samedi après-midi à quinze heures.

C’est un mythe que ce texte dévoile, celui d’un entraîneur hors norme qui dirigea pendant quatorze ans le Liverpool Football Club, Bill Shankly. Quatorze ans, de 1960 à 1974, une éternité quand on songe que c’est un miracle désormais de rester plus d’une saison assis sur le banc de touche d’un club, une éternité que n’ont approchée que quelques-uns, Sir Alex Ferguson, Guy Roux ou encore Arsène Wenger.

C’est une épopée que nous allons parcourir au hasard des terrains d’entraînement boueux, des contacts rugueux, de la stratégie primaire du kick and rush. C’est un homme modeste que nous allons suivre du terrain au terrain, avec de brefs passages à l’humble demeure d’Huddersfield pour consulter ses journaux et ses carnets, ses carnets couverts de notes. Des heures avec la colle et les ciseaux. Bill ne cesse de tourner les pages, les pages des journaux, les pages des carnets, ses carnets remplis de noms et ses carnets couverts de notes. Car on ne devient pas une légende en taquinant le clavier d’un ordinateur, en compilant les statistiques et en déterminant le profil des joueurs par des data.

On devient une légende en gagnant des trophées, en les perdant aussi sachant que du fond des travées d’Anfield Road les supporters reconnaîtront toujours les leurs. Car on devient une légende en laissant tout le pouvoir au kop et non aux actionnaires des multinationales qui tirent aujourd’hui les ficelles dans l’ombre.

Walk on, walk on, with hope in your heart. Dans la lumière grise et sous la pluie fine des banlieues anglaises. And you’ll never walk alone.

C’est d’une liturgie qu’il s’agit, d’un hymne sacré même s’il n’en reste désormais sur les gradins aseptisés que les paroles intangibles.

Yves Vasseur

Photo : Sylvain Anciaux

David Peace

Rouge ou mort

Editions Payot et Rivages – Paris, 2014.

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