Un hectolitre de féminisme

Pour clôturer l’édition 2021 de la Foire du Livre du Bruxelles, Adeline Dieudonné (La vraie vie et Kerozene) et Victoire Tuaillon (Les couilles sur la table) se sont rencontrées dans le décor particulier de l’Hectolitre, au coeur du quartier des Marolles. Pendant une quarantaine de minutes, elles ont exploré la question du féminisme sous toutes ses coutures. Bien que la rencontre ait été hautement inflammable l’ambiance est quant à elle décontractée.

Le lieu dégage encore une part de l’ambiance qui devait y régner quand il abritait un club échangiste. Derrière les sièges des invitées, de vieux miroirs collés au mur et une barre de pole-dance. Au plafond un énorme lustre noir qui ne fait office que de décoration. L’éclairage du plateau vient de deux lampes vintage et du puits de lumière qui perce la toiture.

Installées sur leur siège rouge, les deux autrices répondent aux questions d’Audrey Vanbrabant, journaliste, à propos de leur livre respectif. Le premier thème abordé est celui de l’oppression dans notre société. Et Adeline Dieudonné  accepte qu’on lise son livre  avec un filtre « anti-oppression ». Elle avoue, par exemple, avoir retiré des précisions sur la couleur de peau de certains personnages de Kerozene pour éviter de devenir elle-même dans une position d’oppresseur à travers .

Ce n’est pas la responsabilité d’un auteur ou d’une autrice mais de tout être humain de veiller à la représentation dans la littérature de la société en général et des femmes en particulier. Mais le but de la fiction n’est pourtant pas de ne pas s’impliquer : il n’y a jamais de personnage complètement blanc ou noir. C’est ce que note Victoire Tuaillon à propos du précédent roman précédent d’Adeline Dieudonné. Dans La vraie vie les personnages masculins sont dépeints dans toute leur complexité d’hommes oppressés par une certaine virilité toxique. Ce n’est pas pour autant qu’ils sont caricaturés pour l’autrice, ce n’est qu’une partie de la monstruosité de la société qui demeure habituellement cachée.

« Le patriarcat ne rend personne heureux. » – Victoire Tuaillon

La conversation passe ensuite au sujet prenant de l’anthropomorphisme. La fiction permet au lecteur ou à la lectrice de se mettre à la place des personnages humains mais pas seulement. Victoire Tuaillon insiste sur le fait que les récits de fiction parviennent aussi à nous mettre à la place des animaux, eux aussi oppressés. « Le patriarcat ne rend personne heureux », dit-elle en reprenant l’exemple du père dans La vraie vie. L’homme y paraît en effet terriblement solitaire, sa femme souffre sous ses coups et les animaux empaillés qui s’entassent dans la maison ne peuvent pas dire qu’ils ont apprécié le besoin de domination dont il fait preuve à leur égard. 

Ce qu’on retiendra de cette rencontre c’est que pour Adeline Dieudonné « le féminisme n’est pas une lutte des femmes contre les hommes. C’est une lutte de tous contre la virilité. » Pour Victoire Tuaillon cette lutte passe par la déconstruction des préjugés, ce qu’elle fait dans ses podcasts Les couilles sur la table et Le cœur sur la table.

Armelle Delmelle

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