Alia Cardyn réinvente « Mademoiselle Papillon »
« Mademoiselle Papillon » relate l’histoire de Thérèse Papillon (1886-1983). L’infirmière consacra sa vie au bien-être des enfants et à la lutte contre la tuberculose. En 2016, elle est reconnue, à titre posthume, Juste parmi les Nations pour avoir caché et sauvé trois enfants juifs pendant la deuxième Guerre mondiale. L’histoire de sa vie est croisée avec celle de Gabrielle, jeune infirmière de 30 ans qui dédie sa vie à sauver des enfants prématurés dans un service de néonatalogie intensive spécialisé. Alia Cardyn est à l’origine de ce roman fictif, mais bien documenté. Son quatrième ouvrage est sorti fin 2020, en période de confinement. Le 12 mai 2021, l’autrice du livre rencontrait Élisa Brevet pour un entretien autour de son roman.
Dès qu’elle raconte l’histoire de quelqu’un d’autre, l’œuvre sera de la fiction, mais au plus proche de ce qu’elle ait pu ressentir lors de ses recherches. « Une profonde joie transperçait la voix de ceux qui me parlaient de Thérèse Papillon. Sa vie était dans le bon, mais pas dans le sacrifice. J’ai voulu rendre compte de cela. » Gabrielle, de l’autre côté, est un personnage fictif. Il fallait un lien avec l’actualité, pour ancrer l’histoire dans notre temps. « Il y a des auteurs qui écrivent ce qu’on appelle des « bibles de personnages », ils décrivent pendant des pages et des pages qui est le personnage. Chez moi, le personnage se révèle en fonction de ce qu’il vit. Je découvre peu à peu sa personnalité. Pendant les premières pages, je ne suis pas encore tout à fait sûre de qui c’est ; les personnages se révèlent à travers le livre. » Ecouter les infirmières l’a énormément nourrie afin de comprendre ce qu’était leur métier.
Lors d’une visite de l’abbaye de Valloires, Alia Cardyn entend pour la première fois parler de « Mademoiselle Papillon ». « C’était une femme formidable, je voulais qu’elle soit le personnage phare de mon prochain roman », se rappelle-t-elle. L’autrice préfère ne pas avoir vécu elle-même la situation dont parle le roman « sinon je perds l’intérêt, je n’ai plus assez ce degré de curiosité pour creuser la thématique. »
Pour recevoir des informations de première main, elle a envoyé trois mails à des hôpitaux ayant des services NIDCAP (programme néonatal individualisé d’évaluation et de soins de développement). Deux de ces mails étaient envoyés à des femmes, le troisième service était dirigé par un homme. « J’attends encore aujourd’hui la réponse du monsieur, peut-être que j’ai eu la mauvaise adresse électronique, mais… de manière générale, j’ai constaté qu’il y a souvent beaucoup plus de femmes que d’hommes dans ces services, tant au niveau des infirmières que chez les médecins. » Pendant ses recherches, Alia Cardyn a été bouleversée par l’ampleur des responsabilités et le niveau d’exigence incroyable auquel font face celles et ceux qui travaillent avec les grands prématurés.
Le roman ne parle pas que de médecine. Il y est également grandement question de féminisme. Au fur et à mesure des recherches entreprises, Alia Cardyn s’est rendu compte qu’elle ne connaissait que peu sur le féminisme de l’entre-deux guerres. Le message qu’elle aimerait faire passer aux femmes d’aujourd’hui, est qu’« il est important de dire les choses. De demander des choses. De savoir qu’on a droit à avoir une vraie égalité dans le couple, une égalité sur le marché du travail, et que le féminisme n’est pas simplement brandir des pancartes, c’est l’incarner tous les jours, pour soi-même mais aussi pour être une source d’inspiration pour les femmes autour de nous, pour nos enfants, que ce soit des garçons ou des filles.
Je pense que pour avoir une société vraiment épanouie et égalitaire, il faudrait une société où les liens de domination n’existent plus. Ce sera seulement dans une telle société que tout le monde aura la chance de s’épanouir pleinement. »
Alia Cardyn écrit pour faire passer des messages. Ses livres traitent de sujets dont il faut parler, mais que trop peu ne connaissent. « Écrire me rend heureuse, c’est mon échappatoire, ça me fait voyager avec mon esprit. Je vois mes personnages devant moi. J’ai l’impression de vivre deux vies, celle d’ici et celle dans mes romans. Je trouve que c’est un cadeau de pouvoir m’exprimer sur des sujets qui comptent pour moi et d’être lue. C’est vraiment génial. »
Alia Cardyn parle avec tendresse de maternité, de femmes et d’enfants sans pour autant tomber dans le trop émotif. « Mademoiselle Papillon » est l’histoire d’une femme forte du passé qui influence celles d’aujourd’hui et de demain. Les deux infirmières sont dévouées corps et âme à leur métier, une cause qu’elles défendent à travers leurs gestes.
Texte : Danièle Hayum
Photo : Lion Laperre & Simon Chaudiez