Alix Garin, douceur de la nouvelle vague de la BD belge
Que Bruxelles peut être belle à la fin du mois d’avril. À ce moment de l’année, les cerisiers japonais arborent leurs fleurs roses et donnent parfois l’impression de déambuler dans une peinture. À Anderlecht, Alix Garin profite des derniers rayons du soleil dans son jardin, auprès de ses deux poules et de son chat, Ficelle. La jeune artiste publiait, en janvier 2021, sa première bande-dessinée intitulée « Ne m’oublie pas » aux éditions du Lombard. Portrait, à coeur ouvert, d’une illustratrice aux mains d’or.
« Mes premiers souvenirs de BD, ça doit être le journal de Spirou. » Comme beaucoup d’enfants de son âge, la petite Alix Garin a probablement grandi au rythme du journal du célèbre groom, tournant chaque vendredi les pages de Jérôme K Jérôme Bloch, de Mélusine ou de Kid Paddle. Une petite vingtaine d’années plus tard, la jeune liégeoise publie son premier ouvrage après avoir obtenu son diplôme de bande-dessinée à Saint-Luc, dans sa ville natale. « J’ai appris la BD avant d’apprendre à écrire. J’avais cinq ou six quand une amie de ma mère a remarqué que je savais dessiner et m’a proposé de raconter une histoire. Ça a été le déclic. Aujourd’hui, je suis amie avec elle. » Depuis, Alix n’a plus lâché les crayons. À tel point que « Ne m’oublie pas » récolte les louanges par tout qui le lit.
Un tel succès n’a évidemment pas laissé la jeune artiste de marbre. « J’ai peur que mon deuxième album déçoive. » Évidemment, l’industrie de la bande-dessinée et son rythme de publication s’accélérant au cours des dernières années. Au-delà des attentes, se lancer dans une carrière d’illustratrice à la sortie des études demeure du saut dans le vide. « C’est terrifiant de rentrer dans le monde professionnel. On ne m’avait jamais parlé ni préparé à ça pendant mes études. Je trouvais ça super difficile d’avoir 21 ans et de faire le métro-boulot-dodo qu’on nous a toujours mal vendu. C’est un sujet dont on ne nous parle pas assez. Il faut faire le deuil d’une certaine légèreté. »
À cet égard, Alix Garin a un message à faire passer à sa génération en quête d’un chemin artistique. « Si c’est vraiment une flamme qui brûle en vous, ça marchera ! Je crois aux vocations. Il faut savoir ce que l’on veut et viser haut. Instinctivement, si l’on sait où l’on va, on prend les bonnes décisions. » Une génération dont elle estime que le monde de la BD aura besoin : « Il manque un nouveau souffle au monde de la bande-dessinée en Belgique. La nouvelle génération doit arriver. La BD cartonne en librairie, en tant qu’art également, et ce serait bien qu’on ait de nouveaux regards, de nouveaux sujets, de considérer la BD purement en tant qu’art et pas en tant que produits dérivés. »
Alix Garin est une artiste qui aime prendre le temps « parce que la création d’une BD, c’est une course de fond ». Pour ça, elle a travaillé plusieurs mois, les soirs et les week-ends après son emploi à temps plein. « J’aime bien scinder chaque étape. J’écris d’abord le scénario, et puis le storyboard – 200 planches d’un coup, ensuite je fais tout l’encrage et je termine par la couleur. »
Et puis, du fait de sa jeunesse, Alix Garin voit aussi le monde de la BD d’un œil critique, porté vers l’avenir. « Je pense que la BD est reconnue à sa juste valeur aujourd’hui et a gagné ses lettres de noblesse. Mais je pense aussi qu’il faut moins publier. Il y a plus de 5.000 titres qui sortent par an, c’est beaucoup trop. Personne ne peut lire ça. C’est le business-plan de la BD qui doit changer. » Une pensée qu’elle résume en trois mots : « Décroissance, décroissance, décroissance. »
L’avenir du neuvième art semble aussi radieux que l’été qui vient, sur le plat pays. Alix Garin n’a surement pas l’égo assez grand que pour s’estimer comme un symbole de cette nouvelle génération d’artistes belges. Et c’est peut-être tant mieux, car cette génération n’aura pas besoin de symbole, tant elle s’annonce désireuse de changer la donne.
Sylvain Anciaux