Le Picture ! Festival sème les graines du renouveau culturel bruxellois
C’est désormais acté, Bruxelles retrouve un air estival, un air « festival ». La capitale arbore, au rythme du déconfinement, une teinte culturelle notamment marquée par le Picture! Festival qui se concentre sur le (large) monde de l’illustration « mais pas que ! » assure Carole Saturno, sa co-fondatrice. À l’heure du printemps culturel, Picture! Festival propose une cinquantaine de moments culturels, presque tous gratuits, du 29 mai au 20 juin à retrouver dans plus de 20 endroits bruxellois.
« Illustration on the Move », l’illustration en mouvement, c’est un des crédos du Picture! Festival, « c’est une manière de montrer en quoi l’illustration comme nous la concevons déborde du cadre du livre ». Et de fait, vendredi 4 juin, sur la place de la Monnaie, une fresque de portraits peints aux styles hétéroclites se dévoile peu à peu, au milieu de l’espace public. « Elle a démarré en 2019, cette fresque, dans la Galerie Ravenstein » explique Charline Cauchie, coordinatrice du Picture! Festival. « On a proposé aux passant.es de peindre la personne en face d’eux, avec à chaque fois une petite contrainte ludique. En dix jours, on a récolté 1 kilomètre 100 de portraits sur une bande de papier journal. On l’a enroulée et ressortie cette année pour la rendre aux bruxellois.es » Concerner celles et ceux qui ne le sont pas forcément par l’art et la culture, c’était toujours le défi de Picture!, « C’est aussi pour cela que 95% de nos expositions sont gratuites, dans l’idée que l’illustration et la culture en général sont des disciplines accessibles à tous. » Pour la coordinatrice du Picture! Festival, cette méthode d’accès s’articule autour d’une stratégie de territoire. 23 lieux sont renseignés sur le site internet et à travers une carte interactive, tantôt aussi farfelus qu’un magasin pour animaux, tantôt lieux cultes bruxellois.es comme le café Belga ou prestigieux comme le musée BELvue du Mont des Arts. « On n’a pas de lieu propre, on investit des lieux avec des artistes. On essaye toujours de déplacer l’artiste et de le mettre dans un lieu pertinent. Il ne faut jamais que ce soit évident, si c’est trop évident, on ne le fait pas » assure Charline Cauchie.
Plus que proposer des lieux pertinents, « on propose aussi des lieux impertinents ! » raconte Carole Saturno. « On va mettre des artistes dans des positions peut-être inconfortables. On trouve des lieux dans lesquels il y a une tension, une friction, une ébullition qui va produire un évènement au contact de l’artiste. » Cette délocalisation culturelle – réfléchie – fait évidemment partie de la démarche d’aller vers le public. Un public qui répond présent « parce qu’il se sent reconnu à sa juste manière » défend Carole Saturno, « les familles avec enfants y trouvent leur compte » mais l’attention est aussi portée sur les étudiant.es en illustration qui ont marqué leur intérêt. Du grand public à la niche, le Picture! Festival a donc trouvé le moyen de rassembler les bruxellois.es (et autres) autour de l’image.
Les jeunes belges à l’honneur
Carole Saturno ne vit à Bruxelles que depuis cinq ans. À son arrivée dans la capitale, l’artiste et la co-fondatrice du festival avec Marie Noble a vite remarqué qu’il manquait quelque chose pour fédérer le paysage belge de l’illustration, pourtant extrêmement riche. « Bruxelles a cette position absolument unique en Europe avec au moins cinq écoles supérieures qui proposent une section en illustration. Chaque année, il y a un bataillon d’étudiant.es diplômés qui sont stimulé.es par le festival. » C’est aussi pour ça que le Picture! Festival existe, pour fédérer les acteurs.trices du monde de l’illustration. Ce trait d’union se retrouve aussi dans la programmation qui a la volonté assumée de mettre en valeur les artistes belges, francophones comme néerlandophones.
« Ceci dit, cette mise en valeur ne peut se faire qu’à partir du moment où il y a un contrepoint international » avance Carole Saturno. C’est pourquoi le Picture! Festival se tourne aussi vers l’étranger. Cette année avec Atak, notamment, un illustrateur allemand qui revisite la notion de nature morte, à la Galerie Bortier. « Mais on travaille aussi avec des centres culturels internationaux aussi, comme les Centres culturels coréen ou tchèque avec lesquels nous voulons entretenir notre complicité à l’avenir. »
Le Picture! donnera à émerveiller jusqu’au 20 juin 2021. Les planètes s’étant alignées, tout le festival aura pu se faire en présentiel et, revers de la médaille, ces moments suspendus ne seront pas disponibles sur le net. Peu importe, le Picture! Festival, c’est aussi « une main tendue beaucoup plus chaleureuse » que d’autres grands rendez-vous d’art contemporain, trop souvent réservés à une élite culturelle. Cet évènement porté par l’ASBL Station en collaboration avec l’ASBL Mont des Arts est, déjà, une réussite. Pour la première édition, en 2019, 20.000 personnes ont fait acte présence, cette année – et malgré des jauges resserrées – le public a déjà répondu présent.
Sylvain Anciaux